La maison de mes grands-parents ou de ma tante à Saintes, le studio de Sabine à Paris, l’appartement du reste de la famille au Liban… Chacun de ces endroits est un peu « chez moi », mais il n’existe plus aucun endroit où je peux rentrer, un week-end, parfois, et sentir que certaines choses n’ont pas changé, qu’il reste un peu de cette vie d’avant.
Je ne peux pas me réfugier dans ma chambre, rue du Général Sarrail, déambuler dans le jardin et manger avec eux dans la cuisine autour de la grande table bleue. Je ne peux plus me prendre pour une enfant, et oublier que j’ai choisi cette vie.
Je ne regrette pas mes choix, à aucun moment. Mais le changement a été brusque et les habitudes reviennent parfois, enjôleuses, comme des piques semées par mes souvenirs égarés. Mes repères sont ces habitudes, prises pendant toutes ces années. Les perdre m’a parfois déboussolée. Mais ils reviennent, apparaissant au détour d’une conversation, d’une lecture où d’une rue, ce sont des mots, des objets, des chansons, lancés comme des clins d’oeils du passé.
Je ne vis pas uniquement à travers mes souvenirs, mais larguée comme ça dans ma nouvelle vie, j’ai parfois perdu pied. Me rappeler est ma façon à moi de retourner chez moi. Ce n’était pourtant pas la première fois que je changeais de maison, ni même de ville. Je savais que je changerai de vie aussi, mais eux devaient être ce roc, ce point d’attache qui ne bouge pas. Pourtant j’aime le fait qu’eux aussi aient changé de vie, je ne conteste pas et ne le ferai jamais. Je suis pleine de contradictions.
Quand on quitte un endroit, on a toujours cette impression étrange, d’oublier ou de laisser quelque chose derrière soi. Je crois qu’on laisse un peu de nous-même partout où l’ont passe. Et plus l’attachement que l’ont a au lieu est grand, plus ce que nous y laissons est important. J’aime retourner dans les lieux où j’ai ri, couru, pleuré, rêvé, aimé, chanté, vécu. J’ai l’impression qu’il y restera toujours une trace de ce vécu, comme pour tous les autres qui y auront éprouvé les mêmes choses. Mais une maison où l’on a vécu, je trouve toujours ça plus difficile d’y revenir lorsque d’autres en ont fait la leur. Je n’aimerais pas avoir à y retourner, voir que telle chose a changé, que ce sont ces personnes là qui y rentrent tous les soirs. Et surtout, entendre les souvenirs résonner dans ma tête et me rappeler à quel point ils me manquent.
Depuis que je suis à Paris, le temps n’a plus la même consistance. Les jours et les semaines passent trop vite et m’empêchent, ou m’évitent, de penser. J’ai envie de reprendre un rythme de vie plus cadencé, j’ai des multiples choses de côté : trouver une troupe de théâtre ou des cours de chants, aller visiter tel ou tel musée, lire ce livre. Mais jusque là je me sentais toujours dans une situation précaire, je ne voyais pas plus loin que quelques semaines. Peut-être que ce nouveau-mini-chez-moi me permettra de me donner un rythme…
Let’s play music !